La longue traversée faite par Antoine Desrosiers en 1641, à partir du port de Larochelle jusqu’à Québec, se faisait dans des conditions difficiles. La durée du voyage dépendait du vent. Si les vents n’étaient pas favorables, la traversée prenait parfois soixante ou soixante-dix jours. Un des voyages de l’intendant Jean Talon, de la France à Québec, prit exactement quatre-vingt-dix jours.

Le voyage du Père Nau, Jésuite, de La Rochelle à Québec en 1734, dura du 29 mai au 16 août, soit quatre-vingts jours. Aujourd’hui, chaque passager dans le plus pauvre transatlantique a sa cabine bien à lui. Tout au moins, met-on au plus deux passagers par cabine. Il n’en était pas ainsi il y a deux siècles. Les passagers privilégiés, seuls, avaient des cabines. Les autres couchaient dans la Sainte-Barbe. Savez-vous ce que c’était que la Sainte-Barbe ?

Le Père Nau, qui fit la traversée de l’océan atlantique à bord du Rubis en 1734, va nous le dire :

“La seule vue de la Sainte-Barbe où nous devions coucher pendant la traversée nous déconcerta tous, moi le premier. C’est une chambre grande comme la Rhétorique de Bordeaux (classe du collège des Jésuites) où l’on voit suspendu en double rang des cadres, qui devaient servir de lits aux passagers, aux passagères, aux officiers inférieurs et aux canonniers. Nous étions pressés dans ce lieu obscur et infect, comme des sardines dans une barrique. Nous ne pouvions nous rendre à nos lits sans nous heurter vingt fois la tête et les jambes. La bienséance ne nous permettait pas de nous déshabiller. Nos habits à la longue nous brisaient les reins. Le roulis démontait nos cadres, et les mêlait les uns avec les autres”.

Le Père Nau ajoute qu’au cours du voyage, il fut emporté avec son cadre sur un officier du Canada qu’il prit sous lui comme dans un étau. Le Père prit un demi-quart d’heure à se tirer de son lit. Pendant ce temps, l’officier étouffait, ce qui l’empêchait de jurer. »

Auteur : Pierre-Georges Roy
Toutes Petites choses du régime français, publié en 1944 à Québec